Le jour où j'ai expliqué mon cancer à ma fille

C'est donc la paupière tremblante, la main moite et la gorge nouée que j'ai abordé le sujet. Oui, j'aurais dû faire des scénarios de films d'horreur, je suis douée pour le suspense.

Un matin, alors que nous étions toutes les deux seules à la maison, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai expliqué à ma fille de 8 ans ce que j'avais comme maladie, comment on allait me soigner, les effets secondaires et tout le temps que je devais passer à voir des médecins.

Je ne suis pas spécialement rentrée dans les détails, j'ai schématisé le bignou, ce n'est pas la peine non plus que ma fille décroche une thèse en cancérologie pour comprendre quand je lui cause (ok, on est d'accord, jamais je ne parlerais comme un thésard en cancéro, mais tu saisis l'image...)

À partir de là, fou rire de la petite. Elle est restée bloquée sur le fait que sa mère allait avoir la boule à zéro et ressembler à Monsieur Propre (enfin, juste sur le détail de la coiffure, hein, faut pas pousser, Maurice) (parce qu'il a une bonne tête de con quand même, le Monsieur Propre). Forcément, j'ai ri aussi, elle a un rire tellement communicatif (un peu comme dans La nounou d'enfer, pour tout t'avouer). Et on a surtout parlé de ça, que j'allais être chauve plusieurs mois, que je devrai porter un bonnet pour protéger ma tête, que j'aurai peut-être une perruque etc.

Je lui ai même dit que c'était un cancer. Parce que je me doute que tôt ou tard le mot sera lâché devant elle, autant prendre les devants et lui donner les explications.

J'ai réussi à faire passer mon message : j'ai peut-être un cancer, mais de nous-deux, il n'a pas encore capté que j'étais la plus têtue... Dommage pour lui, parce qu'on va lui faire la peau à coups de pieds bien placés. Et donc, elle a dessiné ma tumeur à ma demande, pour dédramatiser (savais-tu qu'il était conseillé de dessiner pour extérioriser les émotions ? Eh bien maintenant, tu le sais).

La tumeur personnifiée qui ne sait dire que "tumeur" et à qui je botte le train.

Tu vois, finalement, devoir assurer le steak face à ma fille, ça m'oblige à prendre les choses avec encore plus d'humour et de recul. Sauf que depuis, cette petite pestouille se marre régulièrement en m'imaginant avec la boule à zéro... La menacer de lui raser la tête par solidarité, ce serait être une mère indigne, non ?

Sur ce, le bonnet en fibres de poils d'aisselles d'orang-outan eunuques de Papouasie orientale, que j'ai commandé pour être prête le moment venu, est arrivé, d'où l'ajout du bonnet sur le dessin parce qu'à l'origine, j'avais juste le crâne lisse comme un cul de babouin (je ne sais pas ce que j'ai avec les références simiesques aujourd'hui...)

Bref, je dédramatise pour la miss et je me vengerai sur elle quand je n'aurai plus un poil sur le caillou et qu'il faudra que je démêle ses 60 cm de cheveux... Oui, je suis un peu comme l'Orangina rouge, ne vous demandez pas pourquoi je suis si méchante. Parce que.

Mouahahahahahahahahahahahahahahahahahaha (rire qui s'estompe dans le lointain)